Tarifs douaniers et guerres commerciales : l'ultime jeu à somme nulle

Contexte

Le 25 novembre, le président élu Donald Trump a annoncé sur les médias sociaux que l’un de ses premiers décrets imposerait des droits de douane de 25 % sur tous les produits importés aux États-Unis en provenance du Canada.

Le Canada est très dépendant du commerce avec les États-Unis, les exportations vers ce pays représentant près de 77 % du total des exportations canadiennes. Des droits de douane généralisés de 25 % seraient très préjudiciables à l’économie canadienne, entraînant des pertes d’emplois sans précédent, une distribution importante de la chaîne d’approvisionnement et une réduction du PIB réel estimée à plus de 2,4 %1.

Le moment choisi pour cette menace est d’autant plus inquiétant que l’économie canadienne était enfin sur le point de sortir d’une période d’activité déprimée. L’économie canadienne devait croître de 2,0 % en 2025 ; cette croissance pourrait maintenant être complètement éradiquée avec l’impact imminent sur les volumes commerciaux2.

L’impact négatif des droits de douane proposés ne se limiterait probablement pas au Canada, puisque le consommateur américain supporterait le fardeau économique des coûts d’intrants plus élevés. Par ailleurs, dans la mesure où les entreprises importatrices américaines absorbent le coût des droits de douane, leurs bénéfices diminueraient. Bien que l’impact sur les États-Unis soit moins négatif, un droit de douane de 25 % sur les importations canadiennes devrait réduire la croissance de l’économie américaine d’environ 1 %2.

À long terme, les droits de douane ralentissent la croissance économique en réduisant les revenus et les investissements et entraînent des inefficacités dynamiques qui réduisent la productivité.

Implications pour l’économie canadienne

Les industries fortement dépendantes des chaînes d’approvisionnement intégrées seraient les plus durement touchées. Le secteur automobile, en particulier, serait confronté à des augmentations de coûts et à des perturbations importantes. Les secteurs de l’énergie, de la fabrication de produits chimiques et plastiques, des produits forestiers et des machines sont également très vulnérables.

La mise en œuvre des droits de douane américains devrait varier considérablement d’une province canadienne à l’autre. Le Québec et l’Ontario seraient touchés en ce qui concerne les véhicules à moteur, les métaux et l’industrie aérospatiale, tandis que l’Alberta, la Saskatchewan et les Maritimes ressentiraient les effets des droits de douane sur l’énergie.

Source : Réflexion RBC «Point de preuve : Les industries et les provinces canadiennes les plus exposées à la menace des droits de douane américains».

Malgré la rhétorique de Trump selon laquelle le Canada a besoin des États-Unis pour «rester à flot», la majeure partie du déficit commercial est causée par les exportations de pétrole. Environ 25 % du pétrole qui passe par les raffineries américaines et qui est ensuite consommé aux États-Unis est canadien. En 2023, 60 % des importations américaines de pétrole brut proviendront du Canada, contre 33 % en 20133.

Source : Réflexion RBC «Point de preuve : Les industries et les provinces canadiennes les plus exposées à la menace des droits de douane américains».

Pour mieux comprendre l’impact et le potentiel de ces droits de douane, concentrons-nous sur quelques faits :

Comment et quand les tarifs peuvent-ils être mis en œuvre ?

Selon l’article 1, section 8 de la Constitution des États-Unis, c’est le Congrès qui détient le pouvoir d’imposer des droits de douane, et non le président. Toutefois, au fil des ans, le Congrès a adopté de nombreuses lois cédant une partie de ce pouvoir au président.

Dans la pratique, la rapidité avec laquelle les nouveaux droits de douane américains pourront être mis en œuvre dépendra de la voie juridique que le président élu Trump décidera d’emprunter. La majorité des pouvoirs tarifaires standard prévus par la législation américaine impliquent des étapes procédurales qui ne peuvent être mises en œuvre du jour au lendemain. En d’autres termes, si M. Trump peut annoncer les droits de douane le jour de son investiture, ils devront être approuvés par le Congrès, ce qui pourrait prendre plusieurs mois.

Cela dit, M. Trump pourrait choisir d’invoquer des pouvoirs d’urgence permettant une mise en œuvre plus rapide. Déclarer l’état d’urgence pour mettre en œuvre les droits de douane exposerait toutefois les mesures à une contestation judiciaire.

Que peut faire le Canada ?

Actuellement, le Canada est le premier partenaire d’exportation de 35 États différents5. En fait, pour certains États, comme le Dakota du Nord, le Canada représente près de 80 % des exportations totales de marchandises de l’État6. Par habitant, le Canada achète beaucoup plus aux États-Unis que les États-Unis n’achètent au Canada. La question qui se pose alors est la suivante : comment ces États réagiraient-ils à cette perturbation ? La carte des États-Unis ci-dessous met en évidence les États qui sont d’importants importateurs de produits canadiens.

Source : Statistique Canada : Statistique Canada Commerce de marchandises du Canada avec les États-Unis par État

En outre, de nombreux produits expédiés depuis le Canada revêtent une importance stratégique pour les États-Unis, notamment les matières premières (pétrole et métaux) et les véhicules à moteur. Des droits de douane sur ces produits augmenteraient le coût de l’essence et le prix des voitures, ce qui pourrait s’avérer très impopulaire.

Actuellement, le gouvernement canadien est en train d’élaborer un plan de riposte complet avec des droits de douane visant les produits sidérurgiques, les céramiques (éviers, etc.) et les plastiques américains. Ottawa ciblera probablement les produits provenant d’États à tendance républicaine et d’États en transition, où ces droits de douane pourraient nuire le plus à la crédibilité de Trump en ce qui concerne ses promesses d’accroissement de la prospérité.

Comme ce fut le cas lors de la première administration Trump, les entreprises canadiennes sont également susceptibles de commencer à faire pression directement sur les gouvernements des États, afin de les sensibiliser aux conséquences de tarifs douaniers étendus sur les prix à la consommation et la compétitivité, dans le but de négocier des accords parallèles.

Aboyer ou mordre ?

Si la menace de droits de douane généralisés de 25 % est effectivement alarmante, de nombreux économistes estiment qu’il est peu probable que ces droits de douane se concrétisent, en particulier si le Canada prend des mesures de rétorsion. Nombreux sont ceux qui pensent que le président élu ne fait que bluffer et qu’il utilise la menace de tarifs douaniers comme un outil de négociation pour influencer la renégociation de l’USMCA, prévue pour 2026.

Trump reste un personnage controversé et imprévisible qui a l’habitude d’utiliser une rhétorique incendiaire comme tactique pour parvenir à ses fins. On ne sait pas encore si ses menaces se traduiront par des actes.

Sources :

  1. Western News ‘Expert explainer : La menace de tarifs douaniers de 25 % brandie par Trump
  2. Scotiabank ‘Rules of Thumb for Estimating the Impact of U.S. Tariffs on Canada’ (Règles empiriques pour estimer l’impact des droits de douane américains sur le Canada )
  3. S. Energy Information Administration (EIA) : «Le pétrole brut canadien joue un rôle de plus en plus important dans les raffineries américaines «.
  4. BNN Bloomberg Le Canada est prêt à appliquer des contre-tarifs si Trump déclenche une guerre commerciale, selon M. Trudeau
  5. CBC News ‘Mind Your Business’C’est parti !


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